L’ empreinte picturale

L’ empreinte picturale

Le long des vallées du Lot et du Célé, les falaises laissent sourdre par les fractures de la roche des coulées complexes, noires et ocres. Dans les grottes du Pech-Merle et d’ailleurs, les artistes ont peint avec la plus grande économie en noir et ocre rouge à partir d’emplacement et de lignes données par la pierre…, s’appropriant les phénomènes, les utilisant à leur compte, marquant le lieu.

Ce qui transite dans l’empreinte, ce serait une forme ou un fragment de forme. Cette forme est donc dématérialisée pour être rematérialisée ailleurs, d’un corps à un autre. Il y a nécessairement de l’emprunt dans l’empreinte.
Peindre serait le passage d’un matériau déplacé. Par cet apport, le support est modifié et l’ensemble, une peinture, se rend ainsi autonome du contexte.
Dans les diversifications d’opération que l’on peut nommer gravure, peinture ou photographie, l’empreinte est plus productive que reproductive en se développant dans des situations diverses. Aucun moyen, brut ou de technologie sophistiquée, n’échapperait aux mêmes artéfacts fondateurs : déposer, appliquer, relever, transférer… Il s’agit donc ici de mettre en œuvre cette permanence.

Des plaques de verre déposées sur le terrain, sol ou paroi, le modifient provisoirement en accélérant des phénomènes de condensation ou de dessiccation. Elles convoquent dans le même temps les reflets, lumières et ombres fugitives dont la photographie peut faire une empreinte à distance. Elles-mêmes, gravées, projettent sur les parois ce qu’elles ont pu leur emprunter. L’ordinateur manipulateur d’images sera chargé de rapprocher de la mémoire ce qui fut observé en direct et muté par l’objectif.
Autres « serres de contact », les voiles de non-tissé, légers mais résistant aux intempéries, sont utilisés en agriculture sous les appellations de voiles de forçage ou de voiles de croissance. Ils ont été étendus ici sur les surfaces rocheuses accidentées : éboulis, amas ou murs de pierres. Les lignes d’arête estampées initient alors les traces de peinture.

Gilbert DUPUIS
Rennes, printemps 2002